Cette année 2022, comme toutes les précédentes, n’a pas été de tout repos ! Entre avancées démocratiques et immobilisme politique, la chasse à courre, elle, a su maintenir ses habitudes dans les campagnes en provoquant ses traditionnels incidents. Voici les temps forts de cette année mitigée pour les opposants à la chasse à courre !
LA BARBARIE JUSQUE DANS LES VILLAGES
Fatalement, l’année a été marquée par des scènes de cruauté qui ont continué de choquer la France entière.
Chiens de meute morts écrasés (sur la Nationale 2 ou sur les voies ferrées dans l’Aisne, en Charente-Maritime ou encore à Compiègne), accidents de la route, animaux poursuivis et tués jusque dans des jardins et autres zones urbanisées (comme dans l’ancien port de Pont-Sainte-Maxence dans l’Oise !), chasses sur les voies ferrées… Nous avons recensé 47 incidents, sans compter toutes ces scènes de barbarie à la vue de tous dans des zones de promenade, comme aux Étangs de Commelles à Chantilly ! De grands cerfs emblématiques ont été tués, des animaux blessés ont été achevés seulement après avoir été traqués jusqu’à épuisement : autant d’événements abjects qui révèlent la nature des “valeurs” de la chasse à courre.
Comme nous le signalons depuis sa mise en place en 2019, l’arrêté ministériel censé interdire la mise à mort des grands animaux près des zones urbanisées n’est toujours pas respecté et les contrevenants toujours pas inquiétés, malgré les preuves en images et la médiatisation. Même les villages ayant pris des arrêtés pour se protéger de cette pratique se sont vus envahis par les équipages, comme à Pierrefonds, Fleury, Corcy, Pont-Sainte-Maxence, Grosrouvre ou encore aux Mesnuls… Comme d’habitude, les violations d’arrêtés municipaux (pourtant punies de seulement 38 €…) ne sont jamais sanctionnées ! Et pour cause : les élus locaux de petits villages se retrouvent pris en otage face à l’inaction de l’État dans la gestion des débordements, et subissent intimidations et représailles. Heureusement, cela n’empêche pas les maires de continuer à croire au pouvoir de police qui leur est conféré et à signer de nouveaux arrêtés municipaux. C’est le cas à Verneuil-en-Halatte, commune voisine de Pont-Sainte-Maxence, qui a sauté le pas après l’incident dans l’ancien port.
LA CHASSE À COURRE S’EST IMPOSÉE DANS LE DÉBAT POLITIQUE
Cette année a été marquée par deux rendez-vous politiques incontournables : les élections présidentielles et les élections législatives. À cette occasion, un collectif de 28 ONG dédiées à la protection des animaux – dont AVA – a lancé le projet Engagement Animaux 2022 afin d’inciter les candidat(e)s à s’engager via une charte de 22 mesures. Parmi elles : l’interdiction de la chasse à courre ! Un engagement qui a fait mouche auprès de nombreux candidat(e)s mais aussi des journalistes politiques. Car tandis que la chasse a toujours été un sujet incontournable lors des débats présidentiels, la question de la chasse à courre est maintenant invoquée afin d’inviter les candidat(e)s à placer un marqueur clair dans ce vaste débat. De notre côté, ce travail de sensibilisation a trouvé son point d’orgue lors de notre manifestation de fin de saison qui s’est tenue une semaine avant les élections ! Un moment idéal pour rappeler que l’interdiction de la chasse à courre est une mesure de bon sens très attendue. Après avoir collaboré avec différentes organisations politiques, c’est le candidat EELV qui s’est montré le plus déterminé à prendre le sujet à bras le corps. Ainsi, nous avons notamment été auditionnés par Yannick Jadot lors d’une réunion de campagne, avant que ce dernier nous rejoigne à son tour lors de notre grande manifestation.
Du côté du pouvoir législatif, nous avons également tenu à ce que le sujet ne soit pas écarté des débats ! Car malheureusement, la pratique de la chasse à courre disparaît bien souvent du paysage lorsqu’il s’agit d’étudier les débordements de la chasse. À l’occasion d’une audition organisée au Sénat suite à une pétition du collectif Un Jour Un Chasseur, réclamant plus de sécurité à la chasse, nous avons pu faire entendre les inquiétudes des populations touchées par la chasse à courre et rappeler les dérapages qui ont lieu chaque année. Nous avons pu proposer plusieurs mesures d’urgence, telle que la publication obligatoire des calendriers de chasse à courre.
Pendant ce temps, à l’Assemblée, des députés ont tenté de faire avancer les choses en déposant des propositions de loi visant à interdire la chasse à courre ou des questions écrites pour interpeller le gouvernement. C’est le cas de Claire O’Petit (LREM), de Charles Fournier (EELV) et de Bastien Lachaud (LFI).
Plus localement, il a également fallu batailler auprès des Préfectures (en charge de la mise en place de la politique cynégétique et des mesures de sécurité, en partenariat direct avec les chasseurs à courre) pour faire entendre l’urgence de la situation. Malgré des courriers et des rendez-vous, aucune suite n’a été donnée et aucun incident n’a suscité de réaction de leur part.
CINQ CHASSEURS À COURRE FACE À LA JUSTICE
Les tentatives d’intimidation et les violences envers les personnes osant montrer leur opposition à la chasse à courre ont malheureusement continué en 2022. Mais la Justice a permis de circonscrire relativement ce phénomène. Après un gel total des procédures, pendant lequel l’ensemble des dossiers “chasse à courre” ont pris la poussière sur les bureaux des forces de l’ordre et du parquet, les convocations au Tribunal ont finalement repris durant l’été 2022, tandis qu’une vague de classements sans suite est venue libérée les tiroirs visiblement encombrés depuis trois ans.
Cette série de condamnations a commencé en juin avec la sanction d’un membre de la Futaie des Amis qui avait ouvert le feu en zone urbanisée et en direction des habitations en décembre 2021 dans l’Oise. Ayant alerté les forces de l’ordre après avoir été témoins directs des faits, nous avons participé à l’enquête. Après avoir plaidé coupable pour bénéficier d’une procédure accélérée et discrète, ce dernier a été condamné à 4 000 € d’amende et à une suspension de son permis de chasse pendant 9 mois pour mise en danger d’autrui. Étonnement, le maître d’équipage, qui est pourtant légalement responsable des actions menées pendant la chasse et qui a montré son soutien au prévenu dans la presse, n’a pas été inquiété. (voir notre article sur l’affaire)
À l’époque, l’affaire avait indigné jusqu’au Ministère de l’Écologie : l’ancienne Secrétaire d’État à la Biodiversité avait appelé à une sanction de l’équipage et à la mise en place de mesures de sécurité nationales pour que les chasses à courre ne puissent pas s’approcher des zones urbanisées. Si l’équipage a bien été sanctionné administrativement par la Préfecture (une suspension de deux semaines, soit la punition minimale), on sait aujourd’hui que c’est uniquement grâce à la pression médiatique et politique !
En novembre, c’est cette fois le piqueux (employé de l’équipage, il mène la chasse et s’occupe des chiens) de la Futaie des Amis qui se retrouve devant la justice après avoir renversé une opposante à l’aide de son cheval. Durant l’audience, la juge diffuse les images de la scène que la Procureure juge flagrantes, tout comme l’estime l’enquête. Le prévenu a été condamné à 1 000 € d’amende avec sursis pour violence avec arme, une peine malheureusement insuffisante pour mettre un coup d’arrêt aux charges à cheval régulièrement constatées chez de nombreux équipages.
Quelques jours plus tard, c’est au tour du Rallye Trois Forêts de se rendre devant le juge pour s’expliquer de la chasse du 12 janvier 2021 qui s’était terminée sur les voies de la gare de Chantilly. L’incident avait provoqué d’importants retards jusqu’en Gare du Nord, mais aussi l’indignation des riverains et de la Maire de la commune de 11 000 habitants. La SNCF et la SPA se sont portées parties civiles et l’équipage est accusé de la mise en danger d’autrui, d’avoir entravé la circulation des trains, introduit un animal sur la voie ferrée et chassé à l’aide d’un moyen prohibé. L’audience a été reportée au 22 mai 2023.
Enfin, en décembre, deux autres valets de la Futaie des Amis sont condamnés pour des violences sur deux opposants. Les heurts, qui ont pourtant impliqué un groupe de sept participants de la chasse à courre et une cavalière, ayant résulté en des coups et le vol d’une caméra, se retrouvent décrits comme… Deux agressions individuelles distinctes, bien que jugées ensemble, alors que la réunion est au contraire une circonstance aggravante. Le vol de la caméra, lui, a été sanctionné d’un simple rappel à la loi dans le bureau d’un substitut du Procureur, sans dédommagement pour la victime. Cette fois-ci, les images de l’agression ne sont pas diffusées pendant l’audience et on comprend pendant les réquisitions qu’elles n’ont pas été visionnées par le parquet. Malgré les preuves, l’affaire devient “parole contre parole” : l’existence des coups est remise en question et aucune des inventions farfelues des prévenus n’est balayée, venant ainsi nuancer l’unilatéralité des violences jusque dans les propos de la Procureure. Les deux prévenus sont finalement condamnés à 300 € d’amende et à des dommages et intérêts. Là encore, la peine ne suffit pas à dissuader les agresseurs de récidiver.
Cette séquence juridique est donc en demi-teinte : grâce aux images récoltées, il n’est plus possible d’ignorer le chaos que la chasse à courre fait régner depuis toujours et les comportements antisociaux de ses participants. Mais elle aura surtout mis en lumière les limites de l’exécutif et le malaise qui entoure le traitement de ces affaires, malgré l’indignation générale et le problème systémique qui est soulevé. L’État, par la voix du Parquet et de la Préfecture, mobilise tous ses moyens pour ne pas désapprouver la chasse à courre. Il préfère jouer le pourrissement, espérant visiblement que l’opposition à cette pratique soit écrasée avant un drame, faute de pouvoir criminaliser le mouvement.
LES RIVERAINS, TOUJOURS AU CŒUR DE LA MOBILISATION : ENGAGEZ-VOUS !
L’effort de vigilance enclenché en 2017 n’a pas cessé, avec des signalements et des témoignages qui ont émergé de différentes régions. Partout, le constat est le même : en plus de générer une souffrance intolérable chez les animaux chassés et utilisés, la chasse à courre est à l’origine de conflits d’usage et de problèmes de sécurité inacceptables, sans parler des intrusions dans les domiciles. Nous continuons de recenser les incidents et d’archiver vos témoignages pour en produire des données précises à destination de la population et du législateur. Nous apportons également notre aide aux personnes victimes d’incidents en les conseillant sur la marche à suivre. Par endroits, des équipes de volontaires suivent même directement les traques autour de chez eux, pour ne rater aucun incident et prévenir les riverains en amont.