En décembre 2020, alors que la population était confinée depuis plus d’un mois suite à la 2ème vague de l’épidémie de COVID et que la chasse était strictement encadrée, des chasses à courre illégales se sont déroulées dans l’incompréhension la plus totale.
LA PRATIQUE DE LA CHASSE ET LES MESURES SANITAIRES
Le confinement sanitaire de l’automne 2020 s’est vu précisé par diverses mesures statuant notamment sur l’interdiction des activités de loisir les plus à risque. En ce qui concerne la chasse, le Ministère de la Transition Écologique a publié une circulaire très claire le 31 octobre, interdisant précisément la chasse à courre :
« Il convient de maintenir une régulation de la faune sauvage » sous forme d’exceptions mais « les autres activités de chasse sont interdites, notamment les chasses de loisir sans impact sur la régulation, et en particulier la vénerie ».
Un mois plus tard, le Président de la République annonce un assouplissement des autorisations de sorties individuelles en plein air. Le Ministère réitère alors les mêmes consignes dans sa circulaire du 27 novembre pour ce qui est de la chasse des grands animaux (cerfs, chevreuils, sangliers). Les chasseurs à courre confirment eux aussi tristement que leur pratique ne reprendra pas avant le 15 décembre 2020, en même temps que les autres modes de chasse, et que seules « des mesures dérogatoires peuvent être prises » pour l’autoriser localement, c’est à dire via un arrêté préfectoral.
Effectivement, les nouveaux arrêtés préfectoraux tombent. Dans la majorité des départements, comme dans l’Aisne par exemple, « les prélèvements de grand gibier peuvent être réalisés à l’approche*, en battue** et à l’affût*** », la chasse à courre**** reste donc toujours privée de dérogation, au moins pour les cerfs, chevreuils et sangliers. Partageant les motivations du Ministère, les arrêtés insistent sur le besoin de « maintenir des actions de régulation afin » uniquement « de limiter les dommages aux activités agricoles » tout en continuant à les « limiter par rapport à l’habitude […] eu égard au contexte sanitaire ». Or, la chasse à courre, en plus de ne pas être une action de régulation, est une pratique collective qui ne peut respecter ces « mesures adaptées à la situation sanitaire » : les veneurs à cheval et leurs suiveurs à vélo ne portent pas le masque pendant cette activité physique et les rassemblements sont systématiques. Elle est donc nécessairement interdite.
* Chasse individuelle silencieuse pratiquée à pied avec une arme à feu.
** Chasse collective pratiquée à pied et souvent avec des chiens, dans laquelle les animaux sont poussés vers une ligne de tir.
*** Chasse fixe pratiquée à partir d’un mirador, avec une arme à feu.
**** Ou grande vénerie. Chasse aux chiens courants menée par un équipage de cavaliers dont la meute traque un animal jusqu’à l’épuisement avant qu’il soit tué à l’arme blanche.
Et pourtant, à peine trois jours après ces annonces, nous recevons des témoignages qui nous signalent que plusieurs équipages ont repris les traques notamment dans le département de l’Aisne (en forêt de Retz et en forêt de Saint-Gobain) et dans l’Allier en forêt de Tronçais !
Joints par téléphone, les services de l’État ont clairement l’air d’avoir été mis devant le fait accompli. En effet, le Président de la fédération de chasse de l’Aisne a annoncé à ses membres avoir demandé le retour de la vénerie et obtenu le rétablissement de « tous les modes de chasse » après « 5h de franches discussions en passant par des moments de tensions extrêmes » avec la Préfecture. Or, l’arrêté préfectoral dit l’inverse.
Un garde-chasse en forêt de Saint-Gobain, vers qui l’ONF nous renvoie, nous explique alors que « les chasses à courre semblent tolérées » (sic) et qu’il avait été prévenu par les concernés de l’organisation d’une chasse quelques jours plus tôt. Finalement, la DDT nous confirme qu’« en ce qui concerne les chasses à courre, le Préfet n’a pas donné de dérogation pour l’instant » et la Préfecture que « la chasse de loisir est autorisée […] au titre de l’activité individuelle ». Or, comme le stipule l’arrêté, seule la chasse de loisir du petit gibier dite « coordonnée » peut déroger à ce principe, et non la grand vénerie.
Malgré nos appels, les chasses ont continué impunément les jours suivants sans aucune précaution sanitaire. Dans ce cadre, les mesures de maintien de la « sécurité des populations » engagées par le Préfet sont complètement outrepassées par ces chasses. Ces images de dizaines de voitures, de poids lourds, de cavaliers et de suiveurs n’y font aucun doute.
De leur côté, les chasseurs à courre jouent leur carte habituelle : plus le mensonge est gros, plus il passe. Contacté par le journal Oise Hebdo, le Baron d’Aillères admet avoir seulement “sorti ses chiens” mais pas chassé. Pourtant, il déclare ensuite : “au bout de deux heures, le cerf a rusé (il a semé la meute), et à ce moment-là, j’ai décidé de ne plus le poursuivre et de rappeler les chiens“. Si ces gens n’étaient là que pour prendre l’air, alors pourquoi les fouets et les cors ? Pourquoi les redingotes de chasse ? Pourquoi les suiveurs à pied, à vélo et en voiture ? Pourquoi les dizaines de chevaux transportés par poids lourds ? Mais surtout, pourquoi les chiens ont-il poursuivi un cerf pendant deux heures ?
Malgré cette couverture médiatique et ces aveux, le Baron a de nouveau chassé à courre en forêt de Retz dès le lendemain, un rendez-vous réunissant cette fois plus de 100 personnes ! Suiveurs, cavaliers, valets : tout le petit monde habituellement présent autour de l’équipage de Villers-Cotterêts était réuni comme si le confinement n’existait pas, sans précaution sanitaire particulière. Rappelons que les battues (qui sont réellement autorisées et encadrées) sont, elles, limitées à 60 personnes…
Ces évènements n’ont pourtant donné lieu à aucune réaction, que ce soit du côté de la Préfecture de l’Aisne (que nous avons sollicitée) ou du Gouvernement, dont le Ministère de la Transition Écologique a été interpelé par le biais d’une question écrite du député Bastien Lachaud (redéposée en 2022), qui elle aussi restera sans réponse. Il était pourtant urgent que les autorités reprennent la main sur la situation et fassent cesser ce passe-droit inacceptable. Face à l’inaction des autorités locales, seule la mobilisation des habitants peut faire évoluer la situation, en commençant par signaler les comportements illégaux auprès d’AVA, puis de s’organiser tous ensemble en conséquence !