AVA - Abolissons la Vénerie Aujourd'hui

Cerf poursuivi en gare de Chantilly : la chasse à courre condamnée

Le 26 juin dernier, un équipage de chasse à courre a été condamné à 10 000 € d’amende pour mise en danger de la vie d’autrui par le tribunal de Senlis. Cette décision fait suite à un incident qui avait marqué les esprits : les chasseurs à courre avaient traqué un cerf jusque dans la gare de Chantilly dans l’Oise ! Dans cette affaire, AVA attendait une décision exemplaire contre cet équipage multirécidiviste qui doit être mis hors d’état de nuire !
Voici le résumé de l’audience.

Rappel des faits

Souvenez-vous, en janvier 2021, comme toutes les semaines, le Rallye Trois Forêts traque un cerf en forêt de Chantilly dans l’Oise (60). Ce jour-là, les chasseurs ont pris tous les risques en s’évertuant à chasser aux portes de Chantilly, jusqu’à ce que l’animal finisse par traverser la zone urbanisée et trouver refuge en pleine gare, acculé par la meute !
Aucun responsable de la chasse ne se rendra sur place : des valets sont envoyés pour récupérer les chiens et observer les dégâts. Les seuls mots “d’excuses” que parviendront à prononcer les communicants de la chasse à courre suinteront d’hypocrisie et seront à destination des usagers des trains parisiens retardés, comme une énième marque de mépris de la part de ceux qui se revendiquent comme porte-drapeau de la ruralité. Pour eux, le problème n’est pas de jouer à lancer une meute de chiens derrière des animaux sauvages incontrôlables, mais l’existence même de la gare, celle-ci venant entacher l’imaginaire des chasseurs à courre qui se rêvent encore au XVIe siècle sur leur terrain de jeu. Ils n’hésiteront pas non plus à qualifier cet incident de “rarissime” et à raconter que l’animal s’est simplement “égaré”, malgré le palmarès impressionnant de cet équipage (voir plus bas) déjà condamné en début d’année pour un évènement similaire dans un centre-ville.

Tous les incidents de chasse à courre en France

Les pratiques de cet équipage multirécidiviste, dont les chasses mènent à des incidents dangereux dont les archives de presse regorgent, doivent cesser ! Nous attendons une condamnation exemplaire de la part du tribunal.

Voici un aperçu du palmarès du Rallye Trois Forêts :

La chasse à courre n’a plus sa place dans les forêts et dans les villages. Pour mettre fin à ces incidents, il n’y a qu’une solution : interdire la chasse à courre !

 

Le résumé de l’audience

Ce procès aura duré près de 4 heures et aura révélé l’impasse du traitement judiciaire des problèmes liés à la chasse à courre.
Du côté de la défense, on plaide le caractère “exceptionnel”, “rarissime” de cet incident, la faute à pas de chance… Hormis celle de ce cerf imprévisible, malgré la quarantaine d’incidents que nous recensons chaque année, la condamnation de ce même équipage pour un incident similaire quelques mois plus tôt, et la traque d’un cerf dans un port voisin tout aussi récemment. Mais, surprise de la Juge quand elle demande d’accéder au casier judiciaire de l’équipage : erreur, “identité non valide”. Le tribunal n’a donc pas accès aux précédentes condamnations du Rallye Trois Forêts, des informations pourtant indispensables pour décider de la peine requise.

« Peut-on envisager que ce soit la faute à personne ? », Maître de Beauregard, avocat de l’équipage.

Selon les avocats des prévenus, puisque la chasse à courre est légale en France, pourquoi donc s’étonner du chaos qui va forcément avec ? Rien ne saurait remettre en question cette pratique. Elle est pourtant peu encadrée, et la faible mise à jour en 2019 (suite à de nombreux incidents médiatisés par AVA) de l’arrêté ministériel censé en dessiner les contours, n’apporte malheureusement pas d’outils au pouvoir judiciaire pour juger ceux qui y contreviennent. Pire encore, les concepts mobilisés dans cet arrêté appartiennent aux chasseurs à courre (puisqu’ils ont eux-mêmes participé à son écriture), qui deviennent alors les seuls à pouvoir les définir, à leur convenance.

« Lorsque l’animal est aux abois ou au ferme (sur ses fins, pris, forcé ou hallali courant) et qu’il se trouve à proximité d’habitations, de jardins privés y attenant, de zones commerciales ou artisanales et de bureaux et d’établissements accueillant du public, il est gracié. Le maître d’équipage ou son suppléant […] met tout en œuvre pour retirer les chiens dans les meilleurs délais. Il facilite le déplacement de l’animal loin de la zone habitée.
Si ce résultat n’est pas atteint ou si les moyens requis ne permettent pas raisonnablement de contraindre l’animal, le responsable de l’équipage avise la gendarmerie, la police nationale, le maire de la commune ou le service en charge de la police de la chasse. » Extrait de l’arrêté ministériel encadrant la pratique de la chasse à courre.

Ainsi, le texte est tout simplement trop flou, un problème que nous ne cessons de décrier depuis son introduction. Tous les éléments soulignés n’ont aucune définition stricte et ne peuvent qu’être qualifiés que selon l’appréciation du tribunal et des veneurs, au cas par cas. De plus, le dossier ne tient que sur des déclarations, dont celles sur le déroulement de la chasse ne peuvent tout simplement pas être étayées par des preuves concrètes, en dehors de ce qu’il s’est passé en ville devant les caméras. Ainsi, l’équipage a pu proposer une version libre des évènements qui ont précédé l’arrivée de l’animal en zone urbaine, dont ils sont les seuls témoins, ce qui ne permet pas au tribunal de statuer sur le respect des règles de sécurité, la responsabilité de chaque prévenu, et l’état physique de l’animal (à la fois décrit comme “sur ses fins”, tout en étant finalement suffisamment en forme pour fuir jusque dans la gare, puis pour retourner en forêt). Tout cela ne vient que confirmer la nécessité de la présence de notre collectif lors des chasses pour filmer et témoigner de ce qu’il s’y passe.

Ces déclarations révèleront des évènements qui dépassent le simple “dérapage” en ville, car le piqueux expliquera qu’il aurait tenté d’abattre une première fois le cerf au fusil alors qu’il se serait arrêté à proximité du lycée Jean Rostand (!), mais qu’il en aurait été empêché par la présence de “cyclistes”, ce qui aurait relancé la fuite du cerf, cette fois vers la gare. Une version bien arrangeante qui ôte toute responsabilité individuelle. Et pourtant, combien de fois avons-nous vu les veneurs faire usage de leur arme à feu ou de leur arme blanche à proximité directe de témoins, quels qu’ils soient ? C’est le cas par exemple de cette chasse en février 2022 où ce même piqueux est filmé en train de tirer vers le haut depuis une barque, en direction de la berge, alors qu’un cavalier est dans la ligne de tir (attention, images difficiles). Ou encore chez cet autre équipage qui tire dans la nuit alors que des opposants se tiennent à quelques mètres.

Il nous semble bien plus probable, comme nous en avons déjà pu être témoins, que l’animal se soit enfui en voyant s’approcher le piqueux armé, ou tout autre participant. Dans tous les cas, cet évènement ne fait que confirmer l’absurdité de cette pratique en ce qui concerne la sécurité. Les chasseurs à courre auront beau mettre tout en œuvre et solliciter tous les moyens requis, comme les en enjoint l’arrêté ministériel, rien ne permet d’assurer la sécurité publique lors de la traque d’un animal sauvage par une meute de chiens en liberté dans un espace ouvert. Il n’est pas non plus anodin de noter que, de manière systématique, les chasseurs à courre rejettent la faute de leurs actes sur les suiveurs afin de blanchir la responsabilité légale de l’équipage, les dénonçant à l’envi et sans la moindre hésitation.

Pendant l’audience ont également été évoqués divers protocoles, circulaires internes et arrangements entre forces de l’ordre et chasseurs, tous tenus secrets malgré nos demandes réitérées d’y accéder. Nous avons donc par exemple appris que la Préfecture de l’Oise donnait aux suiveurs le pouvoir de bloquer la circulation ! Nous espérons que ce procès sera l’occasion de rendre ces documents publics. Ainsi, l’État est de fait coincé dans sa contradiction interne, entre le pouvoir politique qui laisse faire par idéologie, et les fonctionnaires chargés de l’ordre public désarmés face au chaos.

L’avocat des veneurs conclura en déclarant :

« Pour pouvoir condamner mes clients, il faudrait une loi. Ce qui n’est pas interdit est autorisé. »

Mais il interdit à la juge de créer une jurisprudence : “ce n’est pas à un juge d’écrire la loi !” Nous voilà donc bien avancés. Le Procureur, lui, a trouvé “effrayant que l’on puisse ne pas reconnaitre ses responsabilités”, face à des chasseurs à courre qui n’ont montré aucune prise de conscience et qui ont multiplié les déclarations aberrantes et contradictoires avec les faits.

Les prévenus risquent jusqu’à 1 an de prison et 15 000 € d’amende. Le parquet a requis une peine de 1 500 € avec sursis contre le piqueux, 1 500 € contre Hervé Têtard, maître d’équipage à l’époque des faits, et 11 500 € contre le Rallye Trois Forêts en tant que personne morale, représenté par Bertrand Souplet, maître d’équipage actuel. La SNCF, partie civile, n’a demandé qu’une peine symbolique de 150 €, un règlement amiable de près de 25 000 € ayant déjà été conclu avec l’équipage bien avant ce procès, ce dont s’était félicitée la Société de Vénerie, malgré des chasses à courre sur les voies ferrées et des chiens de meute écrasés par des trains tous les ans. La SPA s’était également portée partie civile.

Le verdict

Le 26 juin, le tribunal a reconnu les trois prévenus coupables de mise en danger de la vie d’autrui et les a relaxés des autres chefs d’accusation. Le juge a condamné le piqueux a 500 € d’amende et 500 € avec sursis, l’ancien maître d’équipage à 1 000 € d’amende et l’équipage à 10 000 € d’amende. C’est donc la deuxième condamnation en 6 mois pour ces chasseurs à courre !

Revue de presse :
Le Parisien
Courrier Picard
France 3 Hauts-de-France
Oise Hebdo
Le Figaro (AFP)