Il y a quelques jours, les opposants à la chasse à courre de Compiègne alertaient de nouveau les autorités suite à des incidents impliquant des coups de feu près d’habitations et des animaux traqués en zone urbanisée, en dépit de la réglementation et alors que la chasse est ouverte depuis moins de deux mois.
Malgré des dérapages à répétition, la Préfecture s’évertue à faire confiance aux fauteurs de trouble, sans jamais tenir compte des débordements et des nuisances dont nous témoignons factuellement chaque semaine, sans parler du recours systématique à la violence par les défenseurs de cette pratique.
En détournant le regard, les autorités rejettent la gestion de cette situation sur les habitants impactés, sans jamais leur rendre de comptes !
Compiègne, le 3 novembre 2022,
Madame la Préfète,
La saison de chasse à courre s’est ouverte il y a moins de deux mois, et déjà trois incidents inacceptables nous amènent à vous signaler, de nouveau, l’urgence de la situation.
Le mardi 4 octobre, l’équipage de Villers-Cotterêts a quitté son territoire de chasse (la forêt de Retz dans l’Aisne) pour traquer un cerf jusque dans la commune de Pierrefonds, pourtant protégée par un arrêté municipal. Poursuivi par un chien, l’animal s’est retrouvé sur le terrain de sport de l’Institut Charles Quentin, évitant de justesse le parc du château. Cela n’a nullement inquiété l’équipage, qui a simplement attendu que le cerf daigne ressortir pour reprendre la chasse, trente minutes plus tard.
Le samedi 15 octobre, l’équipage la Futaie des Amis (que vous avez suspendu l’année dernière suite à des tirs dangereux en zone habitée) et sa meute ont poursuivi un cerf dans une pâture accueillant des chevaux. Le piqueux l’a abattu d’un tir alors que l’animal était acculé contre un grillage, à moins de 100 m d’une maison et à 30 m du jardin y attenant. Les forces de l’ordre, alertées par une riveraine qui a entendu le coup de feu, n’ont à aucun moment tenu compte de l’arrêté ministériel de février 2019, texte pourtant incontournable puisqu’instauré suite à un incident provoqué par ce même équipage.
« Art. 7.- En grande vénerie, lorsque l’animal est aux abois ou au ferme (sur ses fins, pris, forcé ou hallali courant) et qu’il se trouve à proximité d’habitations, de jardins privés y attenant, de zones commerciales ou artisanales et de bureaux et d’établissements accueillant du public, il est gracié.
Le maître d’équipage […] met tout en œuvre pour retirer les chiens dans les meilleurs délais. Il facilite le déplacement de l’animal loin de la zone habitée. Si ce résultat n’est pas atteint ou si les moyens requis ne permettent pas raisonnablement de contraindre l’animal, le responsable de l’équipage avise la gendarmerie, la police nationale, le maire de la commune ou le service en charge de la police de la chasse, qui décide de faire appel aux services d’un vétérinaire. L’autorité publique évalue la situation et décide de faire procéder à l’anesthésie de l’animal par le vétérinaire, aux frais de l’équipage, ou à défaut, de procéder à sa mise à mort. »Aucune de ces dispositions n’a été respectée ni mise en place par les forces de l’ordre. À l’inverse, ces dernières sont intervenues à l’image d’un service de sécurité privé pour protéger la dépouille de l’animal sur place tandis que les veneurs avaient quitté les lieux et s’affairaient à savoir si le propriétaire de la pâture acceptait de leur céder la primeur du trophée.
Enfin, le samedi 29 octobre, c’est le Rallye Trois Forêts – connu notamment pour avoir poussé un cerf jusqu’en gare de Chantilly en 2021 et un autre en centre-ville de Pont-Sainte-Maxence en 2018 – a suscité un émoi national après avoir poursuivi un cerf dans la rivière sur le territoire de cette même commune, enfreignant le périmètre de sécurité instauré par son arrêté municipal. L’équipage l’a ensuite abattu au fusil dans cette même zone industrielle, ignorant l’arrêté ministériel cité précédemment.
Ni les dizaines d’incidents, ni la suspension de La Futaie des Amis, ni la condamnation de l’un de ses membres pour mise en danger d’autrui, ni le passage au tribunal de l’employé de l’équipage la veille de l’incident du 15 octobre n’ont suffi à mettre un coup d’arrêt à ces comportements. Du côté de Chantilly, les débordements du Rallye Trois Forêts, régulièrement relayés sur les chaîne d’informations nationales, n’ont pas non plus fait évoluer la situation. Au contraire, la violence et les mensonges sont systématiquement de mise pour protéger ce loisir à tout prix.
Madame la Préfète, la gestion de cette situation, qui dure depuis plus de 60 ans, ne peut pas être rejetée sur les habitants impactés. Nous ne sommes plus sous l’Ancien Régime : les forces de l’ordre doivent faire appliquer la loi et assurer la sécurité publique, et non agir selon les demandes des veneurs, qui sont loin d’être experts — et encore moins honnêtes — en matière de droit.
Est-il utile de vous rappeler que faire disparaître les opposants organisés ne fera pas disparaître les troubles à l’ordre public générés par la chasse à courre et le rejet des riverains ?
Notre rendez-vous auprès de votre cabinet, organisé en début d’année, n’a eu aucune suite et vos services n’ont pas transmis les informations qu’ils s’étaient engagés à communiquer. C’est le cas notamment du protocole de sécurité que vous avez convenu avec les chasseurs à courre ces dernières années et qui est visiblement insuffisant, si tant est qu’il soit réellement respecté.
Nous vous remercions de prendre en compte cette problématique avec tout le sérieux et la gravité qu’elle requiert.
– Pouvez-vous nous transmettre les engagements convenus entre les équipages de l’Oise et la Préfecture en matière de sécurité, ainsi que les dispositions prévues en cas de manquements ?
– Allez-vous suspendre définitivement l’attestation de meute des équipages récidivistes ?
– Allez-vous exclure M. Drach, maître d’équipage de la Futaie des Amis, de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS), compte tenu du conflit d’intérêt évident que sa présence représente ?
– Quelles mesures de sécurité dédiées à la chasse à courre allez-vous intégrer lors du renouvellement du schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC) en 2024 ?
– Quelles mesures concrètes d’urgence allez-vous imposer aux chasseurs à courre pour que la sécurité publique soit assurée sur les territoires concernés dans l’Oise ?Nous vous prions de croire, Madame la Préfète, en l’assurance de nos respectueuses salutations.
AVA Compiègne