La chasse à courre racontée par les habitants, en forêt d’Orléans
« Le mercredi et samedi c’est condamné, on sait qu’on ne peut pas sortir » déplore une habitante d’Ingrannes.
Une après-midi de rencontres en ville suffit pour prendre la mesure de ce que vivent les habitants de ce village en plein milieu de la forêt, littéralement assiégé deux fois par semaine par la chasse à courre.
« On les croise tout le temps sur la route de Vitry. Une fois, un cavalier a jailli devant ma voiture, j’ai dû piler… Mais pas un regard, pas un pardon, rien ! C’est comme si c’était moi qui avait coupé sa route. Et c’est comme ça tous les samedis… »
Ici, même plus besoin de sortir de chez soi pour se retrouver en pleine chasse à courre : très souvent l’équipage “attaque” dans les champs qui bordent les habitations. Les suiveurs investissent alors la ville pour avoir la meilleur place au spectacle de la mort.
Face à cette invasion, les voisins s’organisent comme ils peuvent, placent des parpaings sur les bas côtés des rues pour empêcher la horde de suiveurs de se garer. Certains ont déjà failli en venir aux mains plusieurs fois :
« Regardez mon mur démoli ! Et les fleurs qu’on avait planté tout le long, il n’en reste plus rien ! Et quand on sort pour défendre notre rue, c’est eux qui nous engueulent, ce n’est plus possible… »
Sur toute une partie de la route de Vincennes, on peut effectivement voir les dégâts, si bien qu’un arrêté municipal semble très attendu à ce sujet.
À Ingrannes, beaucoup semblent au courant de la fameuse histoire de Lacroix Saint-Ouen, où un veneur est venu tuer un cerf dans le jardin d’un couple d’habitants picards.
« On a déjà vu des cerfs se réfugier en ville, près du château d’eau. Je pense qu’ils savent qu’ils sont en sécurité parmi les hommes. »
Et évidemment les plus exposés se tiennent prêts, comme ce riverain en lisière de bois :
« Bien sûr, si un cerf saute mon grillage et se cache dans le jardin je le protégerai. Un grillage comme ça, ça se saute facilement pour un cerf mais les chiens ne pourront pas le suivre. »
Les propriétaires de paddocks en bord de forêt ne sont pas sereins non plus, comme cette dame qui nous raconte ses déboires tout récents :
« Il y avait des chiens partout, le cerf venait de passer, et le vieux cheval que je garde était paniqué par toute cette agitation. De peur, il est parti en trombe et a arraché des barbelés dans sa fuite. Je suis sortie pour demander aux veneurs d’arrêter la chasse, mais les cavaliers restaient là, avec parmi eux mon cheval en sang, courant à droite à gauche… J’ai dû attendre longtemps que l’un d’eux m’aide enfin à le ramener. »
Depuis, elle est obligée de l’enfermer chaque mercredi et samedi, de peur que la scène se reproduise.
Route de Pithiviers, nous croisons un riverain, de retour de promenade :
« C’est la plus grande forêt de France, pourquoi ils viennent chasser en ville, enfin ? Des fois, je croise leur valet qui « fait le pied » (qui repère les animaux pour les indiquer au maître) juste derrière chez nous le matin. J’ai envie de lui dire « la forêt n’est pas assez grande, vous devez les embêter ici aussi ? ». »
Ces frictions ne datent pas d’hier, mais étrangement, pas un article de presse ne les évoque. Il est temps de briser le silence sur cette situation intenable.
Les Ingrannais ne doivent plus vivre ces scènes ! Aidons-les à s’organiser et à défendre leur village, ainsi que la Nature qui l’entoure !